« PAGA » A REJOINT LES ÉTOILES
« Adieu l’Ami, on t’aimait bien Adieu Paga, on t’aimait bien, tu sais… » Notre confrère et ami, Yves Paganelli, écrivain, auteur-compositeur, chanteur et professeur, a quitté la scène le samedi 24 mai après une éprouvante lutte contre la maladie. Il fut le cofondateur du Cercle des Auteurs Ardéchois ainsi que de l’écomusée du moulinage de Chirols, commune dont il fut maire durant 31 ans.
LA VEUVE ET L’ORPHELIN
Né en Algérie en 1943, son père est militaire et sa mère une nageuse olympique qui avait participé aux Jeux de Berlin en 1936. Il a un an et demi, lorsqu’un courant marin violent emporte sa maman. À six ans, quatre ans avant que son père ne décède, le petit Yves gagne l’Ardèche, où il est recueilli par sa grand-mère, veuve à Aubenas. Une femme formidable d’optimisme, super mamie, ancienne couturière à Paris, qui lui chante des airs d’opéra et lui fait découvrir la chanson française. C’est elle qui lui offrira un électrophone pour son Noël avant qu’il n’apprenne la guitare. Dans sa chanson « Grand-Mère », il lui rend hommage : « J’avais peur des orages, de tous les morts qui m’entouraient. Mon père, ma mère… Quel naufrage… Et puis grand-mère riait, sa vie parfumée de chansons. Et ses quatre-vingts ans portaient tout seuls mes dix-sept ans. À bout de bras, à bout d’espoir… On luttait tous les deux sur un radeau qui prenait l’eau. » L’enfant s’évade dans l’écriture, la grand-mère dans la musique. Son collègue d’enfance puis fidèle ami de route, Michel Riou, se souvient de l’adolescent romantique à la gabardine bleue, qui se rendait quotidiennement à l’IMAC où il fit ses humanités.
DANS LES TRACES DE FERRAT
À vingt ans, Yves se met à chanter dans un groupe de copains et donne ses premiers spectacles : il chante Ferrat, Brel, Ferret, Brassens et commence à interpréter quelques-unes de ses chansons. À l’occasion d’un concert à Antraigues, où il chante deux chansons censurées à l’époque « Nuit et Brouillard » et « Potemkine », il est remarqué par Jean Ferrat qui apprécie ses textes et décide de l’introduire dans le milieu parisien. Nous sommes en 1968, le pianiste de Jean Ferrat accepte de l’accompagner dans les cabarets parisiens, l’un d’entre eux « Le Port du Salut » l’embauche immédiatement. Poursuivant parallèlement des études de droit, il travaille le jour aux Archives Nationales. Un projet de 33 tours avec les musiciens de Ferrat est un moment envisagé chez Barclay mais au final il enregistrera en Ardèche deux 45 tours, quatre 33 tours, et un double CD (sorti en 2007). Cependant la vie parisienne ne l’épanouit pas, outre qu’il devient difficile de mener de front ses deux vies, il manque à sa femme et à sa fille qui l’attendent trop souvent à la maison. Enfin le climat de compétition perpétuelle propre au show-biz parisien lui parait délétère. « Il me parlait d’un panier de crabes » confie son ami auteur et conteur Henri Blanc.
RETOUR REUSSI AUX SOURCES ARDECHOISES
Durant l’été 1976, Yves revient au pays pour s’installer avec sa famille à Chirols, il devient professeur d’histoire et géographie au lycée Froment à Aubenas. Une ancienne élève se souvient de ses leçons d’histoire théâtralisées où il montait sur une chaise pour incarner et déclamer un personnage historique, ou encore rejouer le vote du procès de Louis XVI par les élèves de la classe. Son charisme d’artiste conjugué à de remarquables qualités relationnelles le font élire maire de Chirols en 1977, une fonction qu’il occupera avec beaucoup de dynamisme durant trois décennies, créant une des premières haltes-garderies du département ainsi que l’écomusée de Chirols consacré au moulinage et à la soie. Après un demi-siècle de tournées en France et en Belgique, représentant un millier de spectacles, Paga était revenu sur scène mais en solo avec sa guitare, il y a une dizaine d’années : un tour de chant complet d’une heure trente sans entracte. Si les thèmes d’inspiration de ses textes sont universels, l’Ardèche tient une place prépondérante, notamment dans ses romans avec l’histoire du fil de soie et du moulinage. Neuf livres portant sa signature ont été publiés, l’un des tout premiers « Marie-Louise » a fait l’objet d’une adaptation en film par Fabienne Prat, son dernier « Il était une soie » a été publié, il y a deux ans par les éditions La Calade avec des illustrations de son comparse Roland Hours. Personnalité chaleureuse et humaniste, Paga était resté humble et accessible. Une étoile ardéchoise s’en est allée mais elle continuera de briller dans notre mémoire.
